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Polluons plus pour digitaliser plus ! – Compte-rendu du talk de Nicolas Bordier & Wojciech Wojcik à La Duck Conf 2020

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Comment booster la pollution de vos services numériques ? Prenons leçon de deux membres du cartel de la pollution, cette grande organisation lucrative qui sévit dans plusieurs secteurs d’activité : industrie, agriculture, énergie et transports… Nicolas le receleur et Wojtek le corrupteur sont les parrains du « Dirty IT ». Présents sur ce créneau depuis 20 ans, ils sont en train de monter en puissance. « Notre ambition est d’être les premiers de cette grande famille de pollueurs ! »

Palmarès du Dirty IT

4 % des émissions de GES mondiaux

Le palmarès du Dirty IT est impressionnant : le numérique émet 4 % des gaz à effet de serre (GES) du monde (1), soit autant que l’aviation civile.

Extraction minière en forte demande

Le business des produits chimiques nécessaires à la récupération des métaux rares est considérable dans le milieu du numérique, comparativement à une industrie classique telle que l’automobile, puisqu’il faut 16 tonnes de matière première pour produire 1 kg de composants électroniques (2)

Exportation des déchets électroniques

Le Dirty IT est aussi responsable de 70 % de l’exportation illégale des déchets électroniques (3) dans le monde. Des équipes européennes sont en charge de l’acheminement des déchets vers l’Afrique ou l’Asie où le recyclage s’effectue dans des bidonvilles.

Carte postale du Ghana où les câbles sont brûlés pour récupérer leurs matières premières.

Merci à vous !

« Pour vous donner un ordre de grandeur de notre succès, le Dirty IT représente aujourd’hui l’équivalent d’un 7e continent : si le numérique était un pays, il représenterait environ 2 à 5 fois (4) l’empreinte environnementale de la France (selon le poste de pollution). Vous êtes les premiers contributeurs de notre ascension. Un grand merci, car notre succès n’existerait pas sans vous ! Vous faites partie de la famille. » Grâce à vous, dans un futur proche, le numérique pourrait devenir la première source mondiale de pollution.

La révélation des terminaux

Ce palmarès est aussi impressionnant qu’encourageant. Comment faire mieux ? Dépassant largement les pollueurs historiques qu’étaient les réseaux et les datacenters, les terminaux représentent désormais la plus grosse part de la pollution globale, à hauteur de 70 % en 2020 (5) ! De plus, ils sont loin devant les deux précédents, et ce quelque soit le poste de pollution : énergie, eau, GES, électricité ou ressources naturelles. Le bon tuyau : misez sur les terminaux, car ce filon rapporte sur tous les tableaux !

Notons aussi que parmi les quatre phases du cycle de vie des terminaux, la fabrication et l’élimination sont de loin les plus polluantes. Plutôt que d’investir dans la distribution ou l’utilisation, la meilleure stratégie consiste à faire employer le plus de terminaux possibles : ordinateurs, smartphones, TV connectées, tablettes, montres connectées… et les jeter le plus souvent possible.

Boostez votre pollution en 7 jours

Lundi : maximisez votre pollution by design

Pensez à la pollution avant tout, dès la phase de conception. Prenons l’exemple d’un site marchand sur lequel un internaute achète un T-shirt. La simple action de passer commande va déclencher une succession d’événements polluants : fabrication dans une usine à l’autre bout du monde, emballage du produit, transport en avion, bateau… jusqu’à la livraison à l’acheteur.

Pas de chance : le T-shirt est trop petit ! Pour le retourner, le client télécharge un PDF à imprimer et le colle sur le colis qui repart en avion dans l’usine d’origine. Le remboursement s’effectue ensuite, de façon numérique.

Il s’agit de trouver, dans ce scénario, le parcours qui maximise la pollution. N’oublions pas qu’un service numérique n’est pas que logiciel. La pollution peut être locale, mais il faut penser au pire de manière globale !

Mardi : rendez les terminaux obsolètes

Toujours en phase de conception, assurez-vous que les terminaux partent le plus vite possible à la poubelle. Voici quelques exemples à suivre :

  • À chaque montée de version, Windows ajoute du gras pour bien faire ramer : le besoin en RAM a été multiplié par 500 en 15 ans.
  • Pour inciter à les remplacer, Apple dégrade les performances et la durée de vie de la batterie de ses terminaux lors des mises à jour logicielles.
  • À l’inverse, l’arrêt des mises à jours d’Android empêche l’accès aux nouvelles fonctionnalités et rend vulnérable aux failles de sécurité.

Pensez aussi à l’ajout de fonctionnalités inutiles pour alourdir vos écrans, comme Yahoo, qui propose météo, actualités, publicités… alors que le besoin est seulement d’effectuer une recherche. Sautez sur les dernières avancées technologiques (4G voire 5G) pour rompre la compatibilité : « si votre service numérique propose du SMS, vous avez perdu, car le vieux Nokia 3310 restera utilisable. »

Attention, certains services proposent un mode dégradé, permettant leur usage avec du vieux matériel : ne suivez surtout pas cet exemple.

Mercredi : la pollution au cœur du code

En phase de développement, industrialisez votre pollution en mesurant votre progression des outils :

  • Ecoindex évalue l’impact environnemental d’une page web et attribue une note globale ;
  • Ecometer vérifie le respect des bonnes pratiques d’éco-conception. D’ailleurs il révèle que le site de la Duck Conf respecte à peine un tiers des bonnes pratiques : bravo, mais c’est encore améliorable.

À défaut, utilisez n’importe quel outil de mesure de performance web. Pour compléter, adoptez ce livre de chevet qui couvre tous les sujets, depuis la conception jusqu’à la livraison : Eco-conception web : les 115 bonnes pratiques. OCTO, les traîtres, ont contribué à cet ouvrage !

Jeudi : poussez à la surconsommation

Maintenant que le service est construit, incitez à la surconsommation en décorrélant le prix de l’impact environnemental. Même si votre produit est trop green (si vous échouez aux étapes précédentes), parce qu’il économise les ressources employées, il peut avoir l’effet inverse en augmentant la consommation totale de ces ressources au lieu de les économiser — c’est ce que l’on appelle le paradoxe de Jevons — du fait de son succès. Les grands opérateurs téléphoniques l’ont bien compris, en proposant des téléphones à 1 euro.

Vendredi : cachez les impacts

Sachez, dans votre communication, dissimuler les impacts environnementaux, comme ce génie de l’industrie automobile qui a inventé la voiture électrique, déportant la pollution sur les phases invisibles aux consommateurs : la voiture électrique pollue certes moins à l’usage, mais bien davantage avant et après, lors de sa production et de son élimination puisque le recyclage des batteries reste problématique.

Profitez de la crédulité qui alimente la grande tendance à la dématérialisation, sous prétexte d’utiliser moins d’encre et de papier, alors que le numérique n’est pas sans impact, utilisant terminaux, réseaux et datacenters. Parce qu’il est immatériel, le numérique semble sans effet sur le monde réel et bénéficie d’une image de propreté dans la croyance populaire. Nourrissez donc ce mythe dans votre communication en escamotant les impacts.

Cependant les consommateurs commencent à se méfier. Dissimulez donc que, pour arriver jusqu’au client, le T-shirt acheté en ligne fait deux fois le tour de la planète.

Samedi : misez sur le greenwashing

Osez aller plus loin dans votre communication en faisant croire que votre service est green : trompez par manque d’information, manipulez avec des visuels confus, appâtez avec des promesses green… Prenez exemple sur Ecosia, ce moteur de recherche connu pour lutter contre la déforestation en plantant des arbres à chaque requête, alors que, sous le capot, il fonctionne avec les services de Bing et de Yahoo.

Dites à vos clients que c’est écolo, ils adorent ça. Pas d’inquiétude : il n’y a pas de label, pas de loi ni de référentiel officiel, vous pouvez donc vous lâcher sans crainte !

Dimanche : infiltrez les réseaux ennemis

Dans votre veille technologique, surveillez les détracteurs et lobbys, réseautez et infiltrez vos concurrents pour connaître leurs arguments et toujours avoir un train d’avance :

  • le collectif Conception Numérique Responsable qui rassemble 70 entreprises, informe des nouvelles pratiques et tendances ;
  • l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) fournit chiffres précis, études et sources fiables pour prendre les bonnes décisions quant à votre business ;
  • enfin Twitter, avec les comptes @CNumR, @GreenIT, @JMJancovici et @Opquast, constitue une mine d’informations en temps réel sur l’écologie et les pratiques d’implémentation.

Take away

Faire utiliser plus de terminaux !

Les renouveler constamment !

 

« Maintenant la balle est dans votre camp. Rendez-vous dans un an pour voir l’évolution de votre business ! »

 

Retrouvez la présentation complète sur Slideshare.

 

Références :
(1) ADEME – La face cachée du numérique (nov 2019)
(2)  The 1.7 Kilogram Microchip: Energy and Material Use in the Production of Semiconductor Devices, E. Williams et al, 2002
(3) et (5 Empreinte environnementale du numérique mondial (oct 2019)
(4) Pollution numérique : du clic au déclic (27 janvier 2020)


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